lundi 26 novembre 2012

Série cuvée 2004 : un héritage lourd à porter


L'Histoire est jonchée de dates importantes comme la naissance de Jésus en l'an 0 de sa propre ère, le premier hot-dog en 1845 ou encore le meurtre de JFK en 1963. De ces pierres blanches, il en existent aussi pour les séries tv : le show de 1951 "I love Lucy" aux États-Unis est considéré comme le tout premier sitcom, tandis qu'en 1955 sur la BBC, "Dixon of dock green" est la première série tv britannique. La France n'est pour une fois pas en reste avec "Agence Nostradamus" sur la RTF dès 1950. Ces dates sont trompeuses car, ô surprise, la plus vieille série tv vient bien sûr des USA avec "Lone ranger" (celui-là même qui va prochainement être incarné sur le grand écran par Johnny Depp) broadcasté à partir de septembre 1949 sur ABC.

Plus proche de nous, 2004 est une année importante et charnière. D'un côté, elle marque la fin du dinosaure "Friends" après 10 saisons ; de l'autre, c'est le début de 3 des plus marquantes productions du 21ème siècle. Tout débute le 22 novembre 2004 avec le 1er épisode de "Lost" sur ABC ; la chaine récidive le 3 octobre avec les débuts de "Desperate housewives" ; une triplette complétée le 16 novembre par la Fox avec "Dr House": en à peine 2 mois, le paysage télévisuel s'en trouve bouleversé. Si on y ajoute les démarrages de "4400", "Battlestar Galatica", "Entoutage", la version new-yorkaise des "Experts", "Pimp my ride" ou encore le "Tony Danza show"; on pourrait croire que les scénaristes ont tout fait pour nous faire oublier que cette même année George Bush Jr. est réélu  président des USA dans un scrutin ubuesque...

Ménage à 3...

Succès d'audience (certaines saisons dépassant allégrement les 15millions de téléspectateurs américains), succès critique (chaque série gagnant au moins un Emmy ou un Golden Globe pour le show ou un des acteurs principaux), ces 3 séries ont été un modèle que les netwroks rêvent de reproduire. Depuis 2004, le rôle du génial médecin irrévérencieux, solitaire et à la limite de l'autisme "Dr. House" aura plus ou moins bien inspiré des shows comme "Shark" (James Woods en avocat génial mais irritant), ou plus récemment "Elementary" (un Sherlock Holmes contemporain avec Lucy Liu en Watson.... ). L'Angleterre, pays natal de Hugh Laurie qui interprète Gregory House, s'est même fendue d'un quasi copié/collé avec "Monroe" où la seule différence est que le personnage principale est un neurochirurgien... Parfait endroit pour caser une devinette : quelle est la différence entre Dieu et un chirurgien ? Comme une grille de mots croisés, la réponse au prochain numéro...
Après, quand on sait qu'une série comme "Desperate housewives" a donner de multiples versions live avec "The real housewives" et même des copies conformes avec "Gooische vrouwen" ("Jardins secrets" diffusés sur TF1 en 2008) ou encore une version turque "Umutsuz ev kadinlari" (c'est bizarre, la correction de l’orthographe souligne ces derniers mots), on réalise la portée de son influence et de son succès.

C'est moi ou ça pique ?!?!
Ceci n'est pas une "révolution"

Dans ce besoin quasi frénétique d'abreuver en permanence la population américaine de séries tv, les producteurs sont le plus souvent en mal d'inspiration. Comme ces 2 autres comparses de triplette, "Lost"ne déroge pas à la règle du Ctrl+c/Ctrl+v. Même avant la fin de cette dernière, J.J. Abrams lança sans succès (1 saison) "Flash forward". Le concept même de la série étant un produit dérivé de "Lost" (voir ce qui va arriver dans le futur dans un bref flash et revenir dans le présent pour ensuite voir les 2 moments se réunir), on pourrait comparer J.J. Abrams au surfeur Kelly Slater tant il cherche à surfer sur la vague du succès. Produisant tout ce qui touche de près à la "soft S.F", J.J. grignote sa crédibilité télévisuelle déjà en baisse depuis la saison 4 de "Lost". Et ce n'est pas l'échec d'"Alcatraz" (1 seul saison pour un show qui promettait au moins de 302 épisodes) ni le relatif anonymat de "Person of interest" (pourtant scriptée par Jonathan Nolan à l'origine du "Batman : the dark knight") qui l'aideront. Surtout que notre ami s'est associé au gentil mais "on-ne-sait-pas quel-est-ton-métier" Jon Favreau pour réaliser le plus anodin des ses rejetons à savoir "Revolution".
 Dans cet énième délire pots-apocalyptique, où tous les appareils électroniques cessent de fonctionner, la population s'en remet à la bonne vieille Terre. Et comme tout le monde à l'air d'avoir oublié comment l'énergie se crée ou comment lire, on se retrouve vite dans un esprit moyenâgeux ou une monarchie/dictature s'est installée. On pourrait d'ailleurs croire les idées scénaristiques et de casting tout droit tirées de cette époque tant la platitude règne dès le pilot :
Charlie, une jolie et jeune blondinette, mais qui n'est pas une simple femme car elle est tellement forte qu'elle tue des bichettes à 50564 mètres avec son arc achetés à l'avant première de "Hunger games" (les arcs, sujet de mon prochain texte car ça m'énerve!!!), voit sous ses yeux son père (ah oui, elle a déjà plus de mère...) mourir d'une attaque de la méchante milice qui fait rien qu'à les embêter, eux les gentils paysans qui demandent rien à personne. Son frère asthmatique (sisi, je vous jure, je l'ai pas rajouté ça) est aussi enlevé, ce qui oblige Charlie à aller rejoindre l'oncle Miles. Son père, dans un dernier souffle digne de Marion Cotillard, lui donne un médaillon qui, je vous le donne dans le mile, contient des secrets de la mort qui tue. Est-il nécessaire d'ajouter qu'elle part sur la route avec un ancien ami de son père, qui est le parfait cliché du nerd qui sert à rien, mais qui va sûrement soit sauver le monde, soit se taper un très jolie pépette plus tard dans la série ? Serait-ce taper sur un phoque sans défense avec une batte que de parler du belâtre qui se trouve sur la route de notre petit groupe : torse-nu et sosie d'un célèbre loup-garou qu'une certaine humaine (j'en suis resté à l'épisode 2 donc excusez-moi si depuis, elle est devenue une chauve-souris !) rejette pour un vampire/boule à facette au soleil ? Cela ne serait pas complet sans le fameux oncle qui essaye incognito de tenir un bar en plein Chicago : véritable Jason Bourne du pauvre en retraite anticipée contraint à reprendre du service pour sauver Charlie.
Rebondissements téléphonés, jeu d'acteur sans relief, ce n'est pas l'audience décroissante et les 7.9 millions de spectateurs en moyenne depuis le 2ème épisode qui sauveront la donne. On peut aisément dire que la révolution n'est donc pas en marche.

"Rendez à César ce qui appartient à César"

Madcon, Shakira, ou même M. Pokora ne peuvent pas se cacher bien longtemps derrière leur millions d'albums vendus : ils ont, à un moment donné, pompé un autre artiste. Du sample au cover en passant par la reprise, ces musiciens ont choisi le chemin le plus court.
Le même constat peut être porté sur le cinéma où les remakes tels que "La Planète des singes", "Gatsby le magnifique" et même "Spiderman" (on parlera ici de reboot) sont légions.
Même la peinture a ses démons, avec des œuvres longtemps attribués à un artiste alors quelles étaient celles de leurs apprentis ou copieurs : on estimait à 800 les peintures de Rembrandt avant que la technologie ne les réduise à 300 environ.
La littérature n'est pas épargnée avec le travail du nègre, le plagiat, ou même chez certaines personnes sans scrupule, la simple copie de textes : notre PPDA national ayant par exemple allègrement pompé une biographie américaine sur Hemingway. L'original de Peter Griffin datant de 1985, il pensait que personne ne s'en rendrait compte.
Ce phénomène de redite n'épargne rien ni personne et il est bien rare que la copie surpasse l'original. Mais voila, la foule est insatiable et se contente même de fast fooder l'art en général. Du coup, chaque network, chaque studio, chaque maison d'édition se doit, le plus souvent au grand plaisir  de leurs banquiers, de nourrir cette foule avec des composants plus ou moins digestes. Comment arrêter de produire des "Paranormal activity" lorsque ceux-ci vous coûtent 5 millions et en rapporte 135 : même moi, j'y réfléchirai à deux moi tant les impôts semblent importants, surtout aux USA.

Il est vrai que ce serait réducteur de simplifier la production mondiale de séries tv ces dernières années aux show cités dans cette article. Il est aussi simple de choisir, de refuser de consommer à outrance, mais il est aussi vrai que l'on a le droit d'aimer cela et de revendiquer de la qualité. En plus, l'année 2011 a plutôt marquée un nouveau tournant positif qui vient titiller de son piédestal notre triplette : avec des séries de qualité comme "Homeland","Boss", "The Borgias (US, je précise), "Suits" ou encore "Game oh thrones" , la relève n'est pas assurée bien que cela permette de patienter en bonne compagnie. Mais comme quoi on a souvent faim avant de manger, 2012 repart sur des bases peu rassurante : en cette rentrée, aucune série n'aura fait mieux que simplement substanter nos estomacs.

Pas cruel de nature, je vais vous donner la réponse à la question : Dieu ne se prend pas pour un chirurgien.